Tristan Audouard et Nicolas Dragutini analysent l’actualité de la jurisprudence des management packages dans la Revue de Droit Fiscal N°12 du 22 mars 2018.
Synthèse de l’article
Tantôt protectrice des intérêts des managers sur le terrain fiscal, tantôt renversante en matière sociale, la jurisprudence des management packages aura été aussi riche que surprenante en 2017.
Sur le terrain fiscal, le juge et le Comité de l’abus de droit fiscal auront consolidé une grille de lecture fondée sur l’analyse de la prise de risque capitalistique et le lien salarial.
La prise de risque capitalistique aura sans nul doute brillé par son absence dans l’affaire Royal Moto France (CAA Versailles, 1re ch., 26 janv. 2017, n° 14VE02824), où, confronté à une convention de rétrocession de plus-value, le juge fiscal aura rappelé avec force que l’application aux gains de management packages du régime des plus-values mobilières nécessite la prise d’un risque capitalistique, ce qui a minima nécessite l’acquisition des valeurs mobilières portant les gains de management package.
Dans une situation plus délicate de promesses croisées conclues entre un manager ayant souscrit des BSA émis par la société employeur et un investisseur financier de cette même société, dont l’effet n’était nul autre que la suppression du risque de perte capitalistique une année seulement après la réalisation de l’investissement, le Tribunal de Paris aura, dans un jugement G7 (TA Paris 8 mars 2017, n° 1513163,) rappelé qu’il incombe à l’administration fiscale de démonter l’absence de prise de risque quand elle souhaite requalifier un gain de management package en salaires.
S’agissant du second critère de requalification des gains de management packages en salaires, le jugement Deutsch (TA Paris 18 janvier 2017, n°1505676/1-1) aura pour sa part utilement rappelé que le lien salarial entre un manager et le groupe dans lequel il investit, quoique nécessaire, ne saurait suffire à lui seul à requalifier un gain de management package en salaire.
Enfin, ayant eu à connaître d’une situation inédite de reverse ratchet structuré sous la forme d’obligations convertibles en actions, le Comité de l’abus de droit fiscal (avis nos 2017-19 à 2017-22 et nos2017-24 à 29) n’aura quant à lui pas utilisé une grille de lecture différente, jugeant, dans un contexte particulier de LBO que le lecteur devra impérativement garder en tête, que l’absence d’avantage accordé aux managers empêche toute possibilité de requalification.
Sur le terrain social, le juge judiciaire jusqu’ici resté en retrait aura fait une entrée fracassante. Des deux arrêts inédits de 2017, il ressortira qu’un gain de management package est susceptible d’être assujetti à charges sociales dès lors qu’est octroyé un avantage à l’occasion d’un contrat de travail au sens de l’article L242-1 du Code de la sécurité sociale.
Se limitant à identifier une relation de travail sans caractériser l’existence d’un avantage, le juge judiciaire, dans un arrêt Kiabi (CA Douai, 31 mai 2017, n°14/03902), jugera que l’intégralité de la plus-value réalisée par les managers d’un groupe à l’occasion de la cession d’actions acquises en exercice de bons de souscription d’actions doit être assujettie à charges sociales dès lors que ces bons ont été octroyés à l’occasion d’un contrat de travail.
Rendue quelques mois après au sujet de la plus-value réalisée sur la cession de bons de souscription d’actions non exercés, la décision Lucien Barrière (CA Paris, Pôle 6, 12e ch., 6 juill. 2017, n° 14/02741) sera venue préciser la condition d’avantage, entendue comme la possibilité d’investir offerte à nombre limité de personnes et sans égard à la prise de risque capitalistique pourtant essentielle aux yeux du juge fiscal.
Entre stabilisation fiscale et turbulence sociale, l’insécurité juridique du traitement des gains issus de management packages est malheureusement loin d’être réglée.
L’article complet est disponible en PDF – N°12 du 22 mars 2018