mai 2025

#Tribune - Management packages, la douloureuse réforme de la fiscalité

 Retour aux actualités

Interview de Tristan Audouard, qui livre son regard à l’Agefi sur la réforme de la fiscalité des management packages issue de la loi de finances pour 2025 et sur les éventuelles conséquences pour les entrepreneurs et les dirigeants. 

Réforme de la fiscalité des management packages : une mauvaise réponse à une vraie question ?

L’article 93 de la loi de finances pour 2025 a introduit dans la législation française un dispositif visant à régir les gains réalisés par les salariés et dirigeants en contrepartie de leurs fonctions, lors de la cession des titres de leur entreprise. Applicable pour les gains réalisés à compter du 15 février 2025, et donc à des investissements structurés plusieurs années auparavant, la réforme avait vocation à répondre à un besoin de sécurité juridique depuis une série de décisions de la Cour de Cassation (en 2019 et 2023) et du Conseil d’Etat (en 2021 et 2022) qui avaient laissé les praticiens perplexes face à la subjectivité des critères retenus pour décider si le gain devait être qualifié de plus-value ou de salaire.

Les effets négatifs de cette réforme sur les entrepreneurs et dirigeants

Si l’intention du législateur de clarifier le régime est parfaitement louable, les effets du texte finalement adopté sont malheureusement extrêmement négatifs dans un grand nombre de situations. En effet, outre les nombreuses imprécisions techniques du texte qui pourraient donner lieu à d’importants contentieux, qu’il s’agisse du critère d’entrée dans le dispositif ou du calcul du plafond d’imposition en plus-value pour ne citer que deux exemples, la réforme emportera certains effets regrettables qui, s’ils n’étaient probablement pas recherchés initialement, sont néanmoins la conséquence directe du texte adopté.

C’est ainsi par exemple que, compte tenu d’une durée de détention minimale de deux ans, les entreprises sous LBO ne proposeront plus de management package à des cadres clés qui les rejoindraient en cours d’opération, sous peine de risquer une très forte imposition de leurs gains (y compris pour la part inférieure au plafond).

Un autre effet négatif, qui a cristallisé les tensions au cours des dernières semaines, concerne les capacités de réinvestissement des salariés et dirigeants : en prévoyant une règle de taxation à 59% des gains réalisés au-delà du plafond, sans possibilité de report d’imposition, le législateur a créé un système dans lequel la relution du bloc capitalistique du management deviendra plus compliquée, voire impossible (notamment pour les primo-investisseurs du fait de capacités d’investissement limitées). Ce faisant, ce dispositif va manifestement à l’encontre du discours officiel sur les bienfaits de l’actionnariat salarié et la pérennisation de l’ancrage en France de nos entreprises. Ainsi, en limitant la possibilité pour les salariés et dirigeants de se reluer dans le capital de nos entreprises au fil des différentes opérations capitalistiques, c’est l’esprit entrepreneurial qui sera bridé, au détriment de la compétitivité de nos entreprises. Par ailleurs, limiter la relution du management au capital de l’entreprise, c’est accepter de favoriser en pratique les prises de contrôle par des concurrents étrangers, voire le démantèlement des centres de décisions actuellement en France au profit d’autres juridictions.

Le management package est vertueux par l’effet d’alignement d’intérêts qu’il poursuit, qu’il soit mis en place dans le cadre de LBO ou au sein de groupes familiaux ou industriels. La prise de risque est le ciment de l’entreprenariat, et le fait qu’elle puisse être taxée à des niveaux similaires à celui du salaire, sans possibilité de report d’imposition en cas de réinvestissement, aura incontestablement des effets très négatifs à moyen et long terme.

Les solutions ou évolutions législatives proposées

Il est donc urgent d’encourager, et non brider, la prise de risque capitalistique au bénéfice de la croissance de nos entreprises, le cas échéant via une évolution législative. Au-delà d’un simple aménagement technique du dispositif, par exemple sur le sujet du réinvestissement, il n’est pas interdit d’être ambitieux et d’envisager une refonte plus importante. Il s’agirait ainsi de sanctuariser le régime des plus-values, comme cela existe pour d’autres dispositifs, en fonction de critères permettant d’assoir la prise de risque des salariés et dirigeants (tels que par exemple des montants minimums d’investissement ou des durées de détention prenant en compte les réinvestissements).

L'Agefi

Pour consulter l’Agefi